Selon le chef militaire de l’Otan, l’Ukraine risque de manquer de munitions « dans un délai relativement court »
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Pour certains chefs militaires ukrainiens, récemment cités par Politico, ont dit redouter un « effondrement » de la ligne de front là où les généraux russes décideront de concentrer leurs efforts. Faute d’un soutien suffisant – et approprié – des partenaires occidentaux de Kiev, il leur sera très difficile d’inverser cette tendance. En tout cas, telle est l’estimation partagée par le général Christopher Cavoli, le commandant suprême des forces alliées en Europe [SACEUR], avec le comité des Forces armées de la Chambre des représentants, le 10 avril.
Pour le moment, les États-Unis ne sont pas en mesure de fournir l’aide militaire que réclame l’Ukraine étant donné que celle-ci, d’une valeur d’environ 60 milliards de dollars, est bloquée au Congrès. Aussi, Kiev ne peut compter que sur ses partenaires européens, dont les moyens sont limités.
Fin mars, le président ukrainien, Volodymyr Zelenski, a de nouveau insisté sur l’importance de cette aide de Washington. « S’il n’y pas de soutien américain, cela signifie que nous n’avons pas de défense aérienne, pas de missiles Patriot, pas de brouilleurs pour la guerre électronique, pas d’obus d’artillerie de 155 millimètres », a-t-il dit. « Cela signifie que nous allons reculer, battre en retraite, étape par étape, à petits pas, […] qu’il faut faire avec moins. Comment ? Bien sûr, en reculant. Diminuer la ligne de front. Si elle se brise, les Russes pourront se rendre dans les grandes villes », a-t-il ajouté.
Selon le général Cavoli, la Russie aurait perdu 2000 chars depuis le début de la guerre. Et elle compterait 315’000 soldats mis hors de combat [c’est à dire tués ou blessés]. Or, a-t-il dit, Moscou « reconstitue ses forces plus rapidement que nous l’avions estimé », le format des forces russes ayant progressé de 15 % depuis l’invasion de l’Ukraine, après avoir augmenté le nombre de conscrits disponibles en réhaussant la limite d’âge de 27 à 30 ans.
« Au cours de l’année écoulée, la Russie a augmenté ses effectifs en première ligne de 360 ’000 à 470’000 hommes », a ainsi affirmé le SACEUR. Plus largement, le nombre de conscrits disponibles atteindra les 2 millions dans les années à venir. « En résumé, la Russie est en passe de disposer de la plus grande armée du continent », a-t-il souligné. Évidemment, cela pose de sérieux défis pour l’avenir. « Nous sommes confrontés à des temps pour le moins difficiles sur le théâtre européen », a-t-il averti.
Le propos du général Cavoli fait écho à celui récemment tenu par Kurt Campbell, le numéro deux de la diplomatie américaine. « Nous avons constaté au cours des derniers mois que la Russie s’est presque complètement reconstituée militairement », a-t-il dit lors d’un événement organisé par le Center for a New American Security. Et de souligner le rôle crucial de la Chine, ainsi que ceux, dans une moindre mesure, de l’Iran et de la Corée du Nord.
Sur ce point, le SACEUR a estimé que la « dépendance de la Russie à l’égard » de ces pays dans le cadre de « sa campagne en Ukraine » était « préoccupante ». Et d’ajouter : « Ils forment des partenariats stratégiques imbriqués dans le but de remettre en question l’ordre existant. C’est profondément contraire aux intérêts américains ».
Par ailleurs, le chef militaire de l’Otan a aussi souligné la vigueur de l’économie russe. « En 2023, le Fonds monétaire international [FMI] prévoyait une baisse de 2,1 % du PIB de la Russie en 2023. Cependant, à la fin de l’année, il a révisé son estimation en avançant que le PIB de la Russie aurait augmenté de 3 %, principalement en raison de ses investissements importants dans la défense. Actuellement, les perspectives du FMI prévoient que le PIB de la Russie augmentera de 2,6 % en 2024. La Russie est en passe de consacrer 6 % de son PIB à son armée, ce qui fera que son budget militaire dépassera les dépenses sociales pour la première fois depuis la fin de l’Union soviétique », a-t-il détaillé.
Quant à la situation en Ukraine, le général Cavoli n’a pu que souligner la nécessité de débloquer cette aide de 60 milliards de dollars. Actuellement, selon lui, l’armée russe est en mesure de tirer cinq fois plus d’obus d’artillerie que les Ukrainiens. Si rien ne change, ce rapport devrait rapidement passer de 1 à 10. « Nous ne parlons pas de manière hypothétique », a-t-il insisté.
« Je ne peux pas prédire l’avenir, mais je peux faire des calculs simples. Quand je regarde les taux d’approvisionnement par rapport aux taux de consommation, si nous ne continuons pas à la soutenir, l’Ukraine sera à court d’obus d’artillerie et de missiles de défense aérienne dans un délai relativement court », a continué le SACEUR. Or, a-t-il ajouté, « si un camp peut tirer et que l’autre ne peut pas riposter, celui qui ne peut pas riposter perd. Les enjeux sont donc très élevés ».
L’Ukraine « demeure presque entièrement dépendante du soutien extérieur. La gravité de cette situation ne peut être surestimée : si nous ne continuons pas à la soutenir, elle pourrait perdre », a-t-il averti.
Quoi qu’il en soit, la situation décrite par le général Cavoli n’est pas surprenante. Elle avait même été esquissée par le général Jacques Langlade de Montgros, le Directeur du renseignement militaire [DRM] français en juillet 2023, lors d’une audition parlementaire. Celui-ci avait expliqué que la guerre en Ukraine pourrait prendre fin si, « selon le modèle clausewitzien », le centre de gravité de l’un des belligérants venait à craquer.
« Le centre de gravité, pour l’Ukraine, est probablement la cohésion de l’alliance occidentale. Si elle se fragilise, si le soutien se fait plus hétérogène ou plus contesté dans certains pays, cela ne facilitera pas le travail des Ukrainiens à court terme et fragilisera globalement leurs chances d’atteindre leurs objectifs. Côté russe, le centre de gravité est probablement la solidité du système poutinien. Si celui-ci venait à s’effondrer, nous assisterions sans doute à une déliquescence rapide de l’appareil militaire russe », avait résumé le DRM.
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