Turnup Tun, l’oiseau de nuit
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Année faste pour l’hyperactif rappeur, qui sort demain son troisième disque de 2023, Nuit Blanche. Et il n’est pas sûr que ses activités de producteur et le succès aux législatives de l’ADR lui redonnent goût au sommeil. Rencontre.
Sur de fausses affiches électorales, il a l’air fringant dans son rôle de candidat fictif aux législatives. Costume sans faux plis et sourire de circonstance, Tun Tonnar aime s’amuser de la politique, comme il le fait depuis ses débuts en tant qu’artiste engagé et «critique». Une position qui, rappelons-le, lui a valu un double passage remarqué par les tribunaux (sans condamnation) à la suite de Féck Lëtzebuerg, titre dans lequel le rappeur lâchait sa colère vis-à-vis de certaines figures de la droite populiste nationale. À l’époque, le parquet général y avait vu un commentaire social et politique «exagérément provocateur» et non une «insulte», comme l’exigeaient les plaignants.
Loin d’avoir abandonné son combat, ce coup-ci, le musicien, fils du chanteur Serge Tonnar, a choisi une voie moins frontale, jouant la carte de la caricature, comme en témoignent ses saynètes sur TikTok, «faites à l’improviste» dans son quartier de Bonnevoie. Micro accroché au veston, il se moque, entre autres, des drapeaux tricolores accrochés aux fenêtres ou des personnes âgées, «cause de beaucoup de problèmes au Luxembourg». Une manière à lui de «ridiculiser», «avec humour», les vidéos similaires réalisées par l’ADR pour sa campagne. Un pied de nez qui se retrouve jusqu’au slogan : «Lëtzebuerg Ganz Vill Gär Hunn» (comprendre «J’aime ce pays encore plus que vous!»). Et jusque dans le nom du parti : MDR.
L’Eurovision qui le vampirise
Dimanche, le résultat des urnes l’a fait moins rire : «Ça en dit long sur ce pays, que j’ai cru ouvert et multiculturel», opérant un virage «inquiétant» à droite, comme un peu partout en Europe, juste avec du «retard». Il n’en dira pas plus, manifestant l’envie de revenir à ce qui l’occupe frénétiquement : la production musicale et ses activités sous le nom de Turnup Tun. Après un premier essai en 2018 (Frësche Wand), il enchaîne en effet les disques sans calcul avec, cette année, un record personnel : deux albums sortis depuis avril et un troisième qui arrive demain. Résumons : il y a d’abord eu Realtalk, puis un EP estival «spontané, écrit en deux semaines» (Schlëmme Summer 2) avant le dernier, Nuit Blanche.
La raison à cette folle productivité ? Une «accumulation» de chansons restées dans les tiroirs, qu’il explique par une méthode de travail bien à lui : «J’en commence beaucoup, mais je ne les finis pas !» (il rit). Il faut dire que le jeune homme, 29 ans, a d’autres occupations professionnelles qui le vampirisent : des voyages à Berlin, à Vienne et à Bruxelles, pour de longs moments enfermé en studio où il produit pour les autres. Mi-septembre, ce fut encore le cas en vue de l’Eurovision (avec laquelle le Luxembourg renoue), et qui l’a obligé à bosser parallèlement sur «dix chansons». Au point de mettre en péril la sortie de son nouveau disque et d’envisager soit un report, soit un système de QR codes qui aurait permis au public de télécharger les morceaux achevés.
Un producteur, non un «fonctionnaire»
Rien de tout ça, heureusement. Le concert est maintenu, et à la Kulturfabrik, fans et curieux découvriront Nuit Blanche dans son entièreté. «Je l’ai terminé en deux-trois nuits», dit-il, confirmant toute la justesse du titre, tiré de sa propre expérience. Car Turnup Tun ne se repose pas comme il le devrait. La faute à «tous ces démons qui vous empêchent de dormir», déjà aperçus et exposés dans Realtalk. À l’instar de «cet amour perdu», qui fait pleurer et cogiter. Ou encore cette dépendance aux écrans, agissant comme un phare dans l’obscurité. Les «30-40 titres» qui traînent et s’entassent dans son ordinateur suivent tous, de plus ou moins près, ce fil rouge : «Ce sont soit des chansons dont l’histoire se déroule durant la nuit, soit des chansons que j’ai écrites tard le soir».
Je commence beaucoup de chansons, mais je ne les finis pas!
Des morceaux, donc, qui ne font pas semblant. Mieux, concède-t-il, «ils me définissent en profondeur». Oui, chez lui, l’insomnie est une affaire courante. «C’est sûr, je ne dors pas assez !», comptabilisant entre cinq à six nuits par semaine sans sommeil. Et si à la maison, il cherche à se donner «un rythme plus sain», loin de son lit, tout se corse : «La plupart des artistes travaillent la nuit. On entre alors en studio vers 22 h, et on en sort… quand c’est fini!». Car Turnup Tun se veut un producteur consciencieux : «Je ne suis pas un fonctionnaire qui bosse de 10 h à 18 h ! Je veux être efficace et être content de mon travail». Quitte à avoir les yeux rouges le lendemain et à s’effondrer à la moindre pause.
Le petit frère en guise d’invité
Un état vaporeux qui lui offre toutefois de l’inspiration. Après les onze titres de Realtalk, il ressert en effet la même dose pour Nuit Blanche, préférant multiplier les plaisirs que de proposer un double album nécessitant une plus grande «concentration» de la part de l’auditeur. Une «suite assumée», certes, mais plus dans les sujets abordés que dans le style, «bien plus vaste». Un échantillonnage qui va ainsi de l’emo à la trap en passant par la drum’n’bass et d’autres choses plus agressives encore. Avec toutefois, en arrière-plan, une mélancolie commune, à fleur de peau : «C’est l’esprit de la nuit et le mien aussi!», enchaîne-t-il. Car la musique, c’est également (et surtout) parler de ses «émotions», et pour lui, «une chanson triste, c’est plus parlant qu’une chanson joyeuse, dansante».
Il promet toutefois que la soirée de demain sera festive, espérant que les gens gardent les deux yeux bien ouverts. Histoire d’en être convaincu, il sort les renforts avec la présence, sur scène, d’Irem, nouvelle venue dans l’écurie Beasts Records avec son R’n’B sucré et multilingue. Et surtout celle de son petit frère Luka (alias luk.), de trois ans son cadet, qui vient de sortir son premier album, Gelato. L’aîné est dithyrambique : «C’est un des meilleurs artistes au Luxembourg. Il est sous-estimé», d’où cette envie de «montrer» de quoi il est capable. À quand, alors, un disque à quatre mains ? «On va y réfléchir, mais oui, ça risque un jour de se faire.» Pas sûr que les prochaines nuits soient plus reposantes.
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